Labubu : l’histoire complète de la création par Kasing Lung à l’icône Pop Mart

Des livres d’images nordiques aux sacs de luxe du monde entier, découvrez l’incroyable parcours de Labubu, de l’imagination d’un artiste hong-kongais à un phénomène global de 1,8 milliard de dollars.
Sommaire
- Les racines d’une légende : l’enfance de Kasing Lung
- L’éveil artistique : des Pays-Bas à la Belgique
- 2015 : la naissance de The Monsters
- How2Work : les premières figurines (2015-2019)
- 2019 : le tournant Pop Mart
- L’explosion mondiale (2019-2024)
- L’ère de la domination financière (2024-2025)
- Labubu : phénomène culturel et social
- L’empire Labubu aujourd’hui
- Kasing Lung : l’artiste derrière l’empire
- L’avenir de l’empire Labubu
- Conclusion : de l’imagination à l’icône mondiale
Les racines d’une légende : l’enfance de Kasing Lung
L’histoire de Labubu commence bien avant 2015, dans l’enfance de son créateur, Kasing Lung. Né à Hong Kong en 1972, le jeune Kasing voit sa vie basculer à l’âge de sept ans lorsque sa famille émigre aux Pays-Bas. Un déracinement qui marquera profondément sa vision artistique et donnera naissance, des décennies plus tard, à l’univers des Monsters.

« J’étais très réticent à l’époque », confiera-t-il plus tard au sujet de ce déménagement. Ne parlant pas néerlandais, le petit Kasing trouve refuge dans les livres d’images que lui donne son institutrice pour apprendre la langue. Ces albums, peuplés d’elfes nordiques et de créatures mythologiques, nourrissent son imagination et plantent les graines de ce qui deviendra The Monsters.
L’influence décisive du folklore nordique s’ancre durablement dans l’esprit de l’enfant. Comme il l’expliquera plus tard :
« Quand j’étais enfant, j’aimais lire des livres d’histoires et j’étais influencé par les anciennes légendes d’elfes européens. À cette époque, il n’y avait pas de consoles de jeux ou d’ordinateurs, alors je devais dessiner des poupées avec un stylo, j’ai donc eu l’idée de peindre des contes de fées depuis que j’étais enfant. »
Ses parents tenaient un restaurant, avec leur domicile à l’étage. Pour ne pas déranger la clientèle pendant la journée, Kasing se réfugiait silencieusement dans sa chambre, lisant et dessinant. Ces heures de solitude créative forment l’artiste qu’il deviendra.
L’éveil artistique : des Pays-Bas à la Belgique
Après ses études, Kasing Lung s’installe en Belgique où il se consacre à l’illustration de livres pour enfants. Son talent exceptionnel est rapidement reconnu : il devient le premier artiste d’origine chinoise à remporter le prestigieux Prix belge de l’Illustration.
En 2010, il opère un tournant décisif en passant de l’illustration traditionnelle au design de jouets, collaborant avec la maison de production hongkongaise How2Work. Cette transition marque le début de sa carrière dans l’univers des art toys.
Son premier livre d’illustration chinoise, « My Little Planet », paraît en 2013 à Taïwan, mettant en scène un petit garçon rongé par les doutes sur le monde qui l’entoure. L’année suivante, « Lizzy Wil Danssen », l’histoire d’un lapin qui se déguise en chat pour apprendre la danse, débute en Belgique en collaboration avec l’auteure renommée Brigitte Minne. Le livre connaît un succès international, traduit en plusieurs langues et vendu à travers l’Europe et l’Asie.
2015 : la naissance de The Monsters
C’est en 2015 que l’univers de Labubu voit officiellement le jour avec la publication de « The Story of Puca », le premier tome de ce qui deviendra la trilogie The Monsters. Kasing Lung crée un monde féerique inspiré de la mythologie nordique, peuplé de créatures à la fois bonnes et maléfiques.
Dans ce panthéon de personnages émergent Zimomo (le leader de la tribu avec sa queue épineuse), Tycoco (le squelette timide et petit ami de Labubu), Spooky (la créature fantomatique), Pato (l’être rosâtre aux oreilles tombantes), et bien sûr Labubu, qui va rapidement voler la vedette à ses compagnons.
Labubu n’était pas initialement conçue comme le personnage principal. Comme le révèle Kasing Lung :
« Il n’y a pas de personnage principal dans le monde des Monsters. Tous les personnages sont des personnages principaux et ils ont chacun leur propre histoire. À l’époque, je n’ai pas passé beaucoup de temps sur Labubu car j’ai passé plus de temps à développer d’autres personnages. Labubu était juste le premier personnage. »
Le design distinctif de Labubu – corps rond et poilu, grandes oreilles pointues, et surtout ces neuf dents acérées formant un sourire malicieux – cache en réalité une personnalité bienveillante. Dans l’univers de Kasing Lung, Labubu est un être au grand cœur qui veut toujours aider les autres, mais qui finit accidentellement par faire des bêtises.
How2Work : les premières figurines (2015-2019)
La première matérialisation physique de Labubu intervient simultanément avec la publication des livres. How2Work produit les premières figurines The Monsters en 2015, des pièces artisanales peintes à la main et produites en petites quantités pour les collectionneurs d’art toys.

Ces premières éditions établissent Labubu comme un art toy de niche, loin de la production de masse qui caractérisera plus tard son succès. Les collectionneurs avisés commencent à s’intéresser à cet univers unique qui mélange esthétique européenne et sensibilité asiatique.
Pendant quatre ans, Labubu reste un secret bien gardé de la communauté des art toys, développant progressivement sa base de fans sans exploser médiatiquement.
2019 : le tournant Pop Mart
L’année 2019 marque une révolution dans l’histoire de Labubu. Kasing Lung signe un accord de licence exclusive avec Pop Mart, l’entreprise chinoise spécialisée dans les jouets de collection en blind box. Cette collaboration va transformer radicalement l’écosystème de The Monsters.
Pop Mart, fondée en 2010 par Wang Ning, révolutionne le marché des jouets de collection avec son concept de « blind box » – des boîtes opaques contenant une figurine mystère. L’entreprise possède alors des centaines de magasins à travers le monde et des milliers de distributeurs automatiques.
Le partenariat transforme instantanément la démographie des fans de Labubu. Comme l’explique Kasing Lung :
« Avant de travailler avec Pop Mart, la base de fans était composée à 90% d’hommes et ils collectionnaient principalement les poupées en vinyle. Pop Mart nous a lancés sur le marché chinois, et grâce aux porte-clés en peluche et autres produits, maintenant 80% du public est féminin.«
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon Pop Mart, les revenus générés par le premier lancement de la série Monsters * »ont battu le record de ventes dans la catégorie des art toys »*.
L’explosion mondiale (2019-2024)
La montée en puissance silencieuse (2019-2023)
Pendant les premières années du partenariat avec Pop Mart, Labubu gagne progressivement en popularité, principalement en Chine continentale et dans les marchés asiatiques. L’entreprise développe différentes gammes de produits : figurines vinyle, peluches, porte-clés, et déclinaisons en éditions limitées.
Plus de 300 versions différentes de Labubu sont créées au fil des années, chacune avec ses propres caractéristiques, couleurs et accessoires. Les collectionneurs commencent à développer une véritable passion pour ces créatures, alimentée par le système des blind box et la rareté de certaines éditions.
Le catalyseur Lisa (avril 2024)
Avril 2024 marque un tournant historique pour Labubu. Lisa, membre du groupe K-pop phénoménal Blackpink, publie sur Instagram des stories la montrant avec un porte-clés Labubu sur son sac, ainsi qu’une photo d’elle serrant dans ses bras une grande peluche Labubu.

Avec plus de 100 millions d’abonnés, cette exposition déclenche une frénésie mondiale instantanée. L’effet Lisa propulse Labubu au rang de phénomène viral, particulièrement en Thaïlande et dans toute l’Asie du Sud-Est.
La popularité devient si intense qu’en Thaïlande, beaucoup commencent à considérer l’image de Labubu comme porte-bonheur, allant jusqu’à en faire des amulettes bouddhistes et des tatouages sacrés.
L’ère de la domination financière (2024-2025)
Des chiffres vertigineux
2024 marque l’année de l’explosion financière de Labubu. Les chiffres de Pop Mart témoignent de cette ascension fulgurante :
- Chiffre d’affaires total 2024 : 13,04 milliards de RMB (1,8 milliard de dollars), soit +106,9% par rapport à 2023
- Série The Monsters (incluant Labubu) : 3 milliards de RMB de revenus, soit une croissance de +726,6%
- Bénéfice net ajusté : 3,4 milliards de RMB (+185,9%)
La série Monsters représente désormais plus d’un cinquième des revenus totaux de Pop Mart, faisant de Labubu l’IP la plus rentable de l’entreprise au niveau mondial.
Conquête internationale spectaculaire
L’expansion internationale de 2024 dépasse toutes les prévisions :
- Revenus internationaux : +375% pour atteindre 5,07 milliards de RMB
- Asie du Sud-Est : +619% de croissance
- Amérique du Nord : +557% de croissance
- Europe et Océanie : +310% de croissance
Le marché américain connaît une croissance particulièrement spectaculaire : au premier trimestre 2025, les revenus américains dépassent déjà l’ensemble des revenus de 2024, avec 26 magasins et 1,7 million de membres.
Impact sur la valorisation de Pop Mart
Le succès de Labubu propulse Pop Mart à des sommets inédits. L’action de l’entreprise bondit de 370% en 2024, et la capitalisation boursière atteint 34 milliards de dollars, dépassant la valeur combinée de Sanrio (Hello Kitty), Hasbro (Transformers) et Mattel (Barbie).
Wang Ning, le fondateur de Pop Mart, voit sa fortune personnelle grimper à 12,8 milliards de livres sterling selon Forbes, gagnant 1,3 milliard en une seule journée lors d’un pic boursier.
Labubu : phénomène culturel et social
L’invasion fashion
Labubu transcende le monde du jouet pour devenir un accessoire de mode incontournable. Les porte-clés Labubu ornent désormais les sacs de luxe Hermès, créant un contraste saisissant entre l’univers du monstre malicieux et celui de la haute couture.

Des célébrités comme Rihanna, Dua Lipa, Rosé, et même Brad Pitt sont photographiées avec leurs Labubu, alimentant encore davantage la frénésie. Les files d’attente se forment devant les magasins Harrods à Londres, et lors d’un événement de signature avec Perfect Magazine au Dover Street Market, les participants arrivent même avec leurs animaux de compagnie habillés aux couleurs de Labubu.
Phénomène viral et communauté
TikTok héberge plus de 1,7 million de vidéos autour de Labubu, transformant le réseau social en vecteur majeur de diffusion de la tendance. Les « unboxing » de blind box deviennent des contenus viraux, certaines vidéos dépassant les 2 millions de vues.
Une véritable économie parallèle se développe autour de Labubu : créateurs vendant des tenues miniatures spécialement conçues pour les poupées, sièges auto pour les transporter, et même petits sacs à main pour les accessoiriser.
Controverses et débats
Le succès planétaire de Labubu n’est pas sans controverses. En Russie, le Conseil de la Fédération propose d’interdire la vente de Labubu, invoquant leur « apparence effrayante » et leur potentiel impact négatif sur la santé mentale des enfants.
Les autorités russes critiquent également l’absence de marquage en russe sur les jouets et le non-respect des réglementations locales.
L’empire Labubu aujourd’hui
Production et logistique massive
La capacité de production a été multipliée par plus de 30 pour répondre à la demande explosive. La production mensuelle de peluches Labubu est passée d’environ 300 000 unités en février-mars 2024 à 10 millions d’unités actuellement.
Cette montée en puissance représente le plus grand défi logistique de Pop Mart, qui investit massivement dans le renforcement de sa chaîne d’approvisionnement.
Expansion retail mondiale
Pop Mart poursuit son expansion retail agressive :
- 130 magasins à l’international fin 2024
- Objectif 2025 : ouverture d’environ 100 nouveaux magasins à l’étranger
- Magasins emblématiques : Louvre à Paris, Oxford Street à Londres, Sun World Ba Na Hills au Vietnam
L’entreprise développe également le concept POPOP, des pop-up stores qui remportent un franc succès dans les grandes villes chinoises comme Shanghai et Chengdu.
Diversification produits
2024 voit l’explosion de la catégorie peluche avec une croissance de 1 289%, représentant 21,7% du chiffre d’affaires total. Les produits dérivés et accessoires génèrent également 1,58 milliard de RMB (+156,2%).
Les collaborations se multiplient : Coca-Cola (série blind box hiver), One Piece (13 figurines The Monsters réimaginées), et des éditions exclusives pour les musées comme la série « Labubu’s Artistic Quest » vendue au magasin Pop Mart du Louvre.
Kasing Lung : l’artiste derrière l’empire
Vision créative et processus
Malgré le succès commercial phénoménal, Kasing Lung reste fidèle à sa vision artistique originale. Le processus créatif commence toujours par des croquis, puis se développe à travers des livres illustrés pour raconter une histoire, avant de s’étendre aux jouets et produits dérivés.
« J’aime donner des noms uniques à mes personnages. Je pense que l’une des raisons pour lesquelles les gens aiment Labubu, c’est que le nom est très accrocheur »
Le nom « Labubu » est spécifiquement conçu pour être mémorable et facilement recherchable sur Google.
Reconnaissance artistique
Les œuvres originales de Kasing Lung atteignent des sommets aux enchères. En mars 2024, son illustration « Mon » se vend 330 200 dollars hongkongais, établissant un nouveau record pour l’artiste.
Ses expositions se succèdent dans le monde entier, de Tokyo à Art Basel Hong Kong 2025, consolidant sa réputation dans le monde de l’art contemporain. Il fait même la couverture de Perfect Magazine Issue 8, renforçant son influence à l’intersection de l’art et de la mode.
Projets futurs
Kasing Lung travaille actuellement sur un nouveau livre mettant Labubu au premier plan, prévu pour l’été 2025 en chinois avec Pop Mart, puis dans le reste du monde. Il développe également des courts métrages d’animation mettant en scène ses IP populaires, prévus pour cet été.
« Je veux construire cet univers lentement, mais bien sûr, je veux ajouter plus de personnages. Mais vous savez, j’ai passé tellement de temps à peindre ces quatre dernières années et je me concentre actuellement sur mes expositions. »
L’avenir de l’empire Labubu
Projections financières ambitieuses
Pop Mart vise 20 milliards de RMB (2,75 milliards de dollars) de revenus en 2025, soit une croissance de 50%. L’entreprise anticipe que les revenus internationaux dépasseront 10 milliards de RMB, confirmant la transformation de Pop Mart en marque culturelle et de consommation mondiale.
Le marché américain à lui seul devrait atteindre le niveau des revenus totaux du groupe en 2020 (2,513 milliards de RMB).
Expansion stratégique
L’ambition de devenir le « Disney chinois » se concrétise avec des investissements dans l’animation et le divertissement. Pop Mart projette de sortir des courts métrages animés dès cet été, marquant l’entrée de Labubu dans l’industrie du divertissement.
Le parc d’attractions Pop Land à Pékin, s’étendant sur 40 000 mètres carrés, préfigure cette diversification vers l’expérience immersive.
Défis et opportunités
Malgré le succès éclatant, des défis subsistent :
- Concurrence accrue : TopToy (filiale de Miniso) se développe agressivement avec 276 magasins.
- Dépendance aux IP clés : Labubu représente une part significative des revenus.
- Gestion de la chaîne d’approvisionnement : la demande explosive teste les capacités de production.
- Adaptation culturelle : l’expansion internationale nécessite une adaptation locale.
Conclusion : de l’imagination à l’icône mondiale
L’histoire de Labubu illustre parfaitement comment une vision artistique authentique peut se transformer en phénomène économique global. En moins d’une décennie, la petite créature imaginée par un enfant nostalgique des contes nordiques est devenue l’ambassadrice d’un empire de 1,8 milliard de dollars.
Cette réussite repose sur plusieurs facteurs clés :
- L’authenticité créative de Kasing Lung, qui refuse de sacrifier sa vision artistique malgré le succès commercial.
- La stratégie de distribution innovante de Pop Mart avec les blind box et l’effet de rareté.
- Le timing parfait avec l’essor de la culture « kidult » et des réseaux sociaux.
- L’adaptabilité du personnage qui transcende les frontières culturelles.
Labubu n’est plus seulement un jouet, mais un symbole culturel qui parle à une génération en quête d’authenticité, de nostalgie et de connexion émotionnelle. Dans un monde où la réalité quotidienne peut être difficile, cette petite créature au sourire malicieux offre une échappatoire joyeuse et rassurante.
« Nous vivons dans le monde réel où notre réalité quotidienne est triste. Nous avons besoin de joie. »
– Kasing Lung
L’histoire de Labubu ne fait que commencer. Avec les projets d’animation, l’expansion internationale continue et la créativité inépuisable de Kasing Lung, cette petite créature de 8 centimètres pourrait bien redéfinir ce que signifie être une icône culturelle au 21ème siècle.
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